Page 14 - CAMINAREM
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BARÈME MACRON

































            LA SÉCURITÉ JURIDIQUE :
            UN LEURRE EN DROIT DU TRAVAIL ?

            Nous nous étions dit que l’on ne nous y reprendrait
            plus. Le contrat nouvelle embauche (CNE) avait été mis en
            place par l’ordonnance du 02/08/2005, à destination des petites
            entreprises, afin de « dynamiser le marché de l’emploi », par plus
            de flexibilité. Ce contrat avait pour originalité d’écarter les règles   et a pu croire également que le « barème MACRON » le protègerait
            classiques de rupture du CDI, pendant les deux premières années,   d’indemnisation disproportionnée, en cas de contestation du
            suivant la date de sa conclusion.
                                                               motif du licenciement.
            Combien d’employeurs se sont alors « rués » sur cette   Une fois de plus, la sécurité juridique est un leurre et même
            possibilité, garantie par le législateur ?         si la validité du barème vient d’être confirmée par un avis de
            C’était sans compter sur les textes internationaux et la résistance   la Cour de Cassation du 17 juillet 2019, rien ne dit qu’un autre
            des Conseils de Prud’hommes, qui sur la base de la convention   fondement juridique, voire une exception prévue par la loi
            internationale du travail n°158 ont écarté l’application de cette   (discrimination, procédure vexatoire, violation d’une liberté
            ordonnance. La Cour de Cassation déclara finalement le CNE non   fondamentale,  harcèlement…)  ne  puisse  pas  être  une  faille,
            conforme à la présente convention, par arrêt du 01/07/2008.   dans laquelle s’engouffreront forcément les juges, pour retrouver
            Les CNE furent donc tous requalifiés en CDI, avec des ruptures   leur  plein  pouvoir  souverain.  En  effet,  rappelons-nous  en  droit
            forcément irrégulières et infondées, et les dommages et intérêts   pénal de l’exemple des « peines planchers », qui pouvaient
            qui vont avec….                                    exceptionnellement être écartées, par une décision spécialement
                                                               motivée. L’exception est alors devenue le principe. Le législateur
            Le législateur, ayant oublié la leçon, se lança dans une nouvelle   les a alors supprimées.
            ordonnance, publiée au JO du 23/09/2017, afin de fixer un barème
            d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse,   Si on ajoute, à cela, qu’il s’agit d’un simple avis (même rendu
            s’imposant au Juge. Ici aussi, différents Conseils de Prud’hommes   en assemblée plénière), non d’un arrêt et qu’un recours est
            ont résisté et deux d’entre eux ont sollicité un avis de la Cour   toujours en cours devant l’organisation internationale du travail….
            de Cassation, afin  de juger de  la  légalité  de  ce  dispositif,   Ne nous laissons donc pas abuser par les effets
            notamment au regard des articles 10 de la convention OIT n°158   d’annonce des politiques, car les textes internationaux
            et n°24 de la charte sociale Européenne, qui rappellent le droit   et les grands principes de notre droit réduisent
            du salarié licencié, sans motif valable, à une réparation adéquate.   considérablement leur marge de manœuvre. Lorsqu’une
            Plus généralement, c’est le principe du pouvoir souverain   nouvelle disposition « révolutionnaire » est prise, il convient
            d’appréciation des juges du fond, afin de fixer en leur âme   d’attendre, avant de la conseiller à nos clients chefs d’entreprise,
            et conscience, la juste indemnisation d’un préjudice qui est rappelé.  qu’elle ait été éprouvée aux différents recours possibles. Sinon,
            Au-delà, de la discussion juridique, il faut se mettre à la place   on prend toujours un risque, et il faut en être bien conscient.
            du chef d’entreprise, qui a cru que le CNE le protègerait de tout
            recours sur la rupture d’un contrat pendant un délai de deux ans   Franck CHAPUIS, Avocat au Barreau de Béziers



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