Page 11 - Les Peseurs Jurés de Marseille
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Avant-propos







                                                                         “Export, import... Ces deux mots magiques de l’âge moderne flam-
                                                                    boient à l’entrée du port de Marseille. Donne-moi ce que tu as, tu auras
                                                                    ce que j’ai. Il me faut du coton, de la soie, je te donnerai du vin, des
                                                                    liqueurs, des étoffes. Apporte-moi du bœuf frigorifié, je t’enverrai de la
                                                                    moutarde. Cède-moi des éléphants, tu auras des parfums. Voici des pianos,
                                                                    mais je veux des figues. Achète mes charrues et vends-moi ton chêne-liège.
                                                                    A moi le pétrole, à toi la poudre de riz. Voilà des autos, donne-moi du
                                                                    caoutchouc. Je prends tes tapis, mais reçois mes canons. Export, import...
                                                                    Échangeons tout et, vive le trafic !”.
                                                                         Comme a écrit Albert Londres (Marseille Porte du Sud, 1927), tel
                                                                    était le quotidien des peseurs jurés. C’était une profession noble, difficile,
                                                                    mais ô combien diversifiée ; chaque jour, c’était le monde qui vous inter-
                                                                    pellait.
                                                                         Ce métier avait ses codes, ses lois, ses joies, ses interdits, etc.
                                                                         Un peseur juré dont on a oublié le nom, ne disait- il pas que le maître
                                                                    mot de la profession, son credo même, se composait de cinq lettres :

                                                                         A.I.D.E.R, signifiant :   A   comme autorité
                                                                                                   I   comme intégrité
                                                                                                   D comme disponibilité
                                                                                                   E   comme exactitude
                                                                                                   R   comme responsabilité

                                                                         La profession, au fil du temps, eut ses heures de gloire, avant de
                                                                    sombrer dans un lent déclin ; ce fut un long et douloureux combat qui s’est
                                                                    achevé péniblement....
                                                                         D’où la raison de cet ouvrage monumental, afin que nul n’ignore ces
                                                                    hommes, et ces femmes, qui ont fait une partie de la fortune de Marseille.
                                                                         L’après-guerre, la reconstruction, le déclin, le conflit entre généra-
                                                                    tions et entre corporations, c’est tout cela que vous trouverez dans les
                                                                    pages qui suivent ; et puis aussi, les rapports avec les portefaix, les parti-
                                                                    sanes, les intervenants du commerce, l’Administration et le “comment ça
                                                                    marche”, ainsi que l’extraordinaire exposé concernant la romaine mar-
                                                                    seillaise, qui ne part pas de zéro !
                                                                         Tous ces chapitres terminent ce livre de cœur, ce testament - le mot
                                                                    n’est pas trop fort - ce bel héritage écrit par des hommes et des femmes de
                                                                    bonne volonté, afin que nul n’oublie et dise sa fierté :
                                                                         “Moi, Monsieur, j’étais peseur juré de commerce
                                                                                        de la ville de Marseille”.

                                                                                                                        Roland Vela



                                                                         “Les citoyens qui formaient ce bureau se nommaient Peseurs du
                                                                    Roy ; la confiance publique avait été la récompense de leur probité, elle
                                                                    était telle de la part des étrangers, qu’ils n’auraient rien vendu, rien ache-
                                                                    té, sans l’intervention d’un peseur”.
                                                                                    Rapport de la commission sur la réorganisation des services du pesage,
                                                                                         présenté au conseil municipal de Marseille le 19 novembre 1791.
                                                                                                                                                  7 ——
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