Page 117 - Les Peseurs Jurés de Marseille
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Ministre, s’il ne se déterminait pas à faire rapporter complètement le
décret du 20 Janvier, à modifier du moins profondément ce décret.
Et c’est avec raison :
En effet, Monsieur le Ministre, quel est le but que vous vous êtes
proposé par le décret du 20 Janvier ?
De rendre, si je ne me trompe, toute fraude impossible, que cette
fraude soit accidentelle, qu’elle soit faite intentionnellement par celui qui
manie la romaine, et vous vous êtes appuyé sur ces considérants :
1 - qu’une romaine à 0 peut être vérifiée à chaque instant, l’instrument
devant rester en équilibre lorsque le curseur est placé sur le 0.
2 - que le colis à peser pourrait par accident, ou frauduleusement, être
adapté au 2 ème crochet de la romaine actuelle qu’on appelle le crochet
voleur.
Vous voudrez bien remarquer, Monsieur le Ministre, que cette der-
nière manœuvre, amène forcément l’indication d’un poids tellement infé-
rieur au poids réel, que la partie lésée ne peut faire autrement que de s’en
apercevoir, que dans le cas purement accidentel, l’instrument ne fonc-
tionne plus que d’une manière qui indique au praticien qu’il y a vice
quelque part.
Les garanties, que vous croyez certaines, sont tout au plus spé-
cieuses :
En effet, une romaine conforme au décret peut être juste lorsque le
curseur est sur le 0, et cesser de l’être, lorsque le curseur s’en éloigne ou
est porté à l’autre extrémité du bras ; il suffit pour opérer la fraude, de sur-
charger légèrement le curseur. Un simple morceau de plomb, qui ne donne
à 0, qu’une différence inappréciable, provoque à l’extrémité du bras, une
augmentation de 1 à 2 kilogrammes sur le poids réel.
La suppression des crochets de suspension n’a son utilité que pour
les romaines à 2 portées. La romaine à une seule portée ne pouvant prêter
à la fraude, il n’y a qu’à interdire radicalement l’usage de la romaine à
deux portées.
Lorsque apparut la circulaire du 28 Mai 1880 accompagnée de trois
modèles ou figures de romaines à zéro avec légende pour leur graduation,
chacun fut persuadé que des indications précises formulées dans chaque
légende surgirait un type original qui serait reconnu comme supérieur à
tout ce qui avait été adopté et mis en usage jusqu’à ce jour, que ce type
serait comme modèle, imposé par l’administration pour remplacer celui
dont le décret allait, dans un temps donné, amener la suppression.
Vaine a été l’attente des diverses administrations des peseurs, des
fabricants et du commerce. Il ne s’est produit que des types fantaisistes,
beaucoup plus compliqués, beaucoup plus lourds et partant peu faciles à
manier, enfin d’une graduation si tenue, si rapprochée qu’elle en devient
presque illisible.
J’appuie sur ce point capital que la romaine marseillaise permet de
peser en très peu de temps de fortes quantités de marchandises. La mani-
pulation s’opère à Marseille avec une célérité qui n’a d’égale dans aucune
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