Page 118 - Les Peseurs Jurés de Marseille
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autre ville ; cette célérité serait infailliblement compromise par les
romaines à zéro ou par les bascules portatives.
Tous les praticiens sont unanimes sur ce point, que le pesage à la
bascule portative est au pesage par la romaine actuelle comme 1 est à 10.
Et puis la romaine a sur la bascule, des avantages marqués, alors que
le mécanisme de la romaine, très simple, parfaitement visible, permet de
reconnaître le moindre dérangement, celui de la bascule, beaucoup plus
compliqué est en grande partie invisible.
Ceci est surtout à noter : la romaine va à la marchandise, la bascule
attend que la marchandise vienne la trouver.
L’un des plus graves inconvénients de la romaine à 0, c’est qu’il
oblige le fabricant à placer à l’extrémité du petit bras, une boule de tare
dont la force doit faire équilibre au poids du grand bras et du curseur
placé sur le 0.
Or le poids intrinsèque d’une romaine à 0 d’une portée de 1.000 kilo-
grammes, curseur compris est de 112 kg, le curseur pesant à lui seul 38 kg,
alors que le poids intrinsèque d’une romaine de la même portée, mais du
système actuel, n’est, curseur compris, que de 36 kg, le curseur ne pesant
ici que 4 kg 600.
Si pour éviter une trop forte boule de tare, le fabricant raccourcit le
bras de la romaine, il doit, pour pouvoir lui donner une forte portée sur un
parcours restreint, serrer les coches. Or un curseur lourd courant sur le bras
de la romaine usera très promptement les dents de l’instrument qui se trou-
vera nécessairement faussé par cette usure ; sa durée sera par conséquent
très limitée.
Et finalement, si l’on veut pénétrer au fond de la question, quelle
nécessité peut-il y avoir de faire commencer par 0, une romaine destinée à
ne peser que des colis de 800, de 1.000, de 1.200 kilogrammes.
Si la graduation comprise entre 0 et 800 ne doit jamais servir, n’est
elle pas complètement inutile et même une entrave.
Quelle donc puisse être la pensée qui a présidé à l’élaboration
du décret du 20 Janvier, il faut savoir reconnaître que si la romaine partant
de 0 peut avoir quelque utilité et présenter même certaines garanties lors-
qu’elle est à poste fixe et maniée par des gens inexpérimentés et irrespon-
sables, elle perd absolument ces avantages lorsqu’il s’agit de l’imposer
aux peseurs publics assermentés.
Le corps des peseurs jouit à Marseille d’une considération telle que
ce serait presque un acte de défiance à son égard que de l’obliger à renon-
cer à un instrument que le commerce reconnaît depuis un temps immémo-
rial comme assurant parfaitement la sécurité des transactions.
Donc pas de motif plausible pour enlever à nos peseurs cet instrument
traditionnel qui n’a donné et ne peut donner sujet à aucune réclamation.
Et cela est facile à comprendre, le commerce qui a recours à nos
peseurs assermentés sait parfaitement qu’aucune fraude n’est possible
avec de tels agents.
Le règlement particulier des peseurs leur interdit de se servir d’ins-
truments autres que ceux qui leur sont fournis par l’administration.
Nul peseur ne peut sortir du bureau avec une romaine qu’il ne l’ait
au préalable échantillonnée, sur plusieurs parties du bras de levier.
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