Page 193 - Les Peseurs Jurés de Marseille
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Ces notes étaient destinées à régler les cultivateurs ou maîtres.
Les partisanes, la plupart du temps étaient d’un autre âge ; il n’exis-
tait pas de partisanes jeunes.
Autre habitude qui laissait pantois plus d’un : parfois après une dure
matinée de labeur, certaines partisanes se positionnaient debout, entre
deux piles de colis vides et on voyait surgir un ruisselet qui filait droit vers
le caniveau.
Le bar étant trop loin et la peur qu’elles avaient de se voir dérober
quelque colis faisait qu’elles se soulageaient, in situ, cela faisait parti du
folklore.
Pendant la grosse affluence, au printemps, au poste du cours Julien
entre 20 et 30 peseurs étaient présents et presque autant de porte-romaines.
C’est tout ce petit monde qui a inventé
et créé, le fameux “parler marseillais”,
un langage fleuri sentant le terroir et les
“nations”....
Le provençal s’acoquinait avec
l’italien, le grec, l’espagnol et bien d’autres
langues encore....
Il y avait là, entre deux bordées de
maisons hautes, le terre plein du marché.
De part et d’autre, une multitude de
magasins dits commissionnaires qui effec-
tuaient sensiblement le même travail que les
partisanes, mais bien sûr à l’abri des intem-
péries, ce qui somme toute était loin d’être
négligeable.
Quelques bars ou cafés abreuvaient
tout ce petit monde, une bière fraîche l’été,
un café ou bien un “noisette” ou une infu-
sion l’hiver, les faisaient fonctionner
18 heures par jour. Nous avons pu évaluer
le nombre de tasses de café servies chaque
jour dans un seul bar : 4.000 ! Du pur jus de
chaussette, l’expresso n’avait pas encore
été inventé !
Le bruit des charretons circulant sur
les pavés, les appels, les cris, les rires, et la
bonne humeur faisaient loi.
Les pyramides de melons en été, les
montagnes de “picons” en robe blanche, en
Détail de 2 folios du susdit carnet de pesage; le peseur a oublié de hiver (oranges dont on enlevait la peau,
faire l’addition des 15 mussys de poivrons achetés par Carmen du
pour faire le célèbre apéritif et qui étaient
Mont. Photo peseurs jurés
de ce fait, vendues moins cher), étaient
parmi les fruits les plus visibles, vu leur
quantité astronomique.
Le bureau du marché se subdivisait lui-même en deux postes
occupant des locaux différents, celui du marché haut et celui du
marché bas.
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