Page 283 - Les Peseurs Jurés de Marseille
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Henri Cucurny était aussi un “pince sans rire” avec beaucoup de mordant ;
il jonglait avec les mots et les idées, exemple : cette étrange missive datant
du 6 Juillet 1994, qui n’est jamais parvenue à son destinataire !
Lettre virtuelle à Monsieur le Consul du Mali
Le 6 juillet 1994
Monsieur le Consul du Mali.
Malgré votre remarquable adaptabilité génétique aux climats sub-
tropicaux, vous n’êtes pas sans avoir remarqué la vague d’excessive cha-
leur qui s’est peu à peu installée ces jours-ci sur nos régions, dites pour-
tant tempérées...
A l’heure où je vous écris, le phénomène est toujours inexpliqué.
Bien que de formation scientifique, je n’oserai porter un jugement
de valeur sur la nature de ces soubresauts climatiques et me résous, dans
l’attente d’une amélioration, à en supporter les rigueurs.
Avant même d’aller plus loin dans ma requête, je ne voudrais point
que vous pressentiez une quelconque allusion, dans ma pensée, au ratio-
nalisme de Descartes, Pascal ou Spinoza, ce qui vous porterait alors à croi-
re que, par un souci elliptique, je me bornerais simplement à lier la cause
à l’effet, sans mettre plus d’audace dans mon raisonnement.
N’ayez de crainte à ce propos et venons-en aux faits qui m’ont pous-
sé à vous écrire.
Etant amené par les devoirs de ma charge à passer plusieurs fois par
semaine devant l’immeuble de votre consulat, j’ai incidemment remarqué,
un de ces jours derniers, que la porte d’entrée (qui, je pense, doit faire éga-
lement office de porte de sortie par ailleurs) était restée grande ouverte,
découvrant les premières marches d’un escalier en spirale et les feuilles
persistantes d’un palmier dattier.
Certes, j’aurais finalement oublié ce fait banal , s’il ne s’était repro-
duit le lendemain, puis les jours suivants, exactement à l’identique, et sur-
tout s’il ne fût accompagné de la hausse vertigineuse des températures que
vous connaissez.
Aux esprits tourmentés la relation semble évidente, mais je vous l’ai
déjà dit, je ne suis point de ceux là.
J’ai l’honneur, cependant, de vous demander, compte tenu de la per-
sistance des chaleurs et de l’incapacité de nos climatologues à trouver un
accord sur leur origine, de bien vouloir de votre côté, tout mettre en œuvre
pour tenir fermée la porte de votre Consulat.
Je ne pense pas à un acte de malveillance de la part de votre concierge,
que je salue d’ailleurs depuis peu.
De mon coté par amitié pour votre ethnie et par respect pour votre
beau pays, je me garderai d’ébruiter la chose...
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Consul, l’expression de mes sen-
timents distingués et de ma haute considération.
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