Page 278 - Les Peseurs Jurés de Marseille
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Jean Marie Aprilante, meublait ses temps morts entre deux opérations,
en taquinant la muse ; il était un peu notre poète quotidien à qui nous
devons :
Sur la gande jetée
Sur la grande jetée, quand les embruns chavirent,
alors que je pesais des graines ou du coton,
que de fois j’ai rêvé, devant les beaux navires,
de partir à mon tour vers les grands horizons.
Pourtant, resté lié comme par une liane,
mon merveilleux voyage je l’ai fait sur les quais,
en groupant quelques fois J4 et Mourepiane,
ou le poste quarante avec le quai Gouret.
Au marché de la plaine, j’étais à la campagne,
c’était mon potager, je pouvais y goûter
les fruits tout frais cueillis qu’offraient les paysannes,
aux seules conditions qu’on vienne les peser...
Et quand, à la criée, dans des paniers, des caisses,
les pêcheurs apportaient cavions et gobies,
ils amenaient aussi leur joie, leur allégresse,
et cette pêche avait un accent d’Italie.
Toutes mes résidences n’étaient pas secondaires,
je m’étais transformé “bascules” en “cabanons”,
j’y venais en vacances, peseur supplémentaire,
y passer plus de temps, parfois, qu’à la maison.
Et souvent je me dis que j’ai eu de la chance,
d’avoir connu tout ça : l’odeur, les bruits du port,
les marchés, la criée... cette vie qui avance,
ces gens qui parlaient haut, ces gens qui parlaient fort,
et qui criaient parfois : “au poids !”
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