Page 31 - Les Peseurs Jurés de Marseille
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lieu dans ses hangars ou magasins sans qu’il fut tenu d’employer le minis-
tère des agents de la commune. Cette formalité s’appliquant lorsque le
pesage avait lieu sur les emplacements publics.
Cette obligation s’expliquait par l’occupation d’un fragment de
domaine public par les marchandises, qui appartenait à la commune ou à
l’Etat, et dans le droit de pesage se trouvait en conséquence implicitement
compris un droit d’emplacement.
La suppression des peseurs jurés, soulignait Monsieur Latger, aurait
pour effet de mettre entre les mains d’agents salariés par les négociants
eux-mêmes, les opérations de pesage contradictoire.
“Ces agents offriraient-ils à l’une ou à l’autre des parties, les mêmes
garanties de désintéressement et d’incorruptibilité ? Ces deux qualités sont
encore plus nécessaires à Marseille que partout ailleurs ; les trois quarts des
marchandises manipulées ici n’arrivent dans nos ports qu’en consignation.
Les consignataires des navires qui bordent nos quais ne sont que des
représentants ; il est donc indispensable que les intérêts des étrangers qui
expédient des marchandises sur notre place et ceux des capitaines marins
qui les apportent soient également sauvegardés”.
A l’argument de la perte de temps, la commission a répondu que si le
négociant devait peser sa marchandise, soit il employait le ministère des
peseurs publics soit il pesait lui-même, ou par ses agents, auquel cas il ne
pourrait jamais arriver au degré de promptitude et d’habileté avec lequel le
peseur maniait la romaine ; si le négociant ne pesait pas sa marchandise il ne
saurait y avoir perte de temps.
Enfin Monsieur Latger, soulignait que tous les développements de
l’Industrie et du Commerce, avec la création des immenses bassins qui
s’étendaient de la Joliette au Cap Janet et avec une population de 360.000
habitants rapportait seulement 520.000 francs, soit 80.000 francs de plus
qu’en 1802.
Le pesage du soufre était jugé trop onéreux par la Chambre de
Commerce mais “est-il possible de réduire à moins de 5 centimes les
100 kg, dont 2,5 centimes incombent à l’acheteur et 2,5 centimes au
vendeur, le pesage d’une marchandise aussi désagréable que les soufres
dont la poussière pénètre dans les oreilles, le nez, la bouche et détermine
dans les yeux une cuisson telle que d’abondantes larmes s’ensuivent
quand la souffrance n’oblige pas le peseur à renoncer à l’opération ?
Il existe en outre, autour de la ville et à proximité des quais de
débarquement, des bascules publiques sur lesquelles pour un prix plus
minime encore, soit 0,25 centimes par tonne, on peut faire peser les
soufres (20) ”.
Enfin la commission s’interrogeait si c’était bien réellement au nom
du commerce marseillais que la Chambre de Commerce avait pris la paro-
le ou si sa réclamation n’avait pas plutôt pour but de servir les intérêts pri-
vés des membres qui la composaient.
En effet, la Chambre de Commerce avait construit les môles Nord
qui étaient à la veille d’être livrés au public ; elle est alors soupçonnée
de vouloir les exploiter pour son propre compte avec l’idée bien arrêtée
de faire concurrence aux Docks. Cette entreprise était vue comme une
réédition du monopole qu’elle combattait depuis longtemps.
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