Page 218 - Les Peseurs Jurés de Marseille
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Les peseurs spéciaux à l’abattoir de la ville défendaient, en mai
1866, la vente de la viande à la cheville et adressaient leurs observations à
l’agent spécial de la régie.
“Pour combattre l’idée de la suppression de ce mode de vente qui
s’exerce sous notre ministère, et défendre autant que possible les intérêts
de la ville et ceux des consommateurs, je dois vous dire au préalable que
les viandes débitées à la cheville aux bouchers de Marseille, presque tous
étaliers, sont pesées par nous peseurs spéciaux, nommés à cet effet, et que
nous versons en moyenne pour ce produit à la Recette Municipale de
12 000 à 14 000 francs par an, provenant des droits de régie.
Tels sont les intérêts de la commune ; quant à ceux des consomma-
teurs ils sont aussi apparents, à en juger par l’empressement que mettent
les ouvriers, les restaurants, les militaires à venir s’approvisionner dans
les boutiques de ces étaliers, car s’il n’y avait pas pour eux un avantage
réel ils achèteraient indistinctement au premier boucher venu.
En supprimant la vente à la cheville on nuirait donc à l’industrie
non seulement des trois quarts des bouchers de Marseille et aux ouvriers
nombreux qui sont employés au service de l’abattoir, mais on réduirait
considérablement le produit des droits communaux.
Je ne crois pas que ce soit les chevillards qui fassent hausser les prix
de la viande ; ce genre de commerce ne peut que le faire diminuer, puisque
la concurrence que se font les industriels est toute à l’avantage des
consommateurs.
Il est facile de se convaincre de ce fait à l’abattoir même, tous les
vendredis, jour où les bouchers viennent y voir la viande étalée dans
chaque cabine pour y acheter ensuite auprès d’un chevillard qui vend aux
meilleures conditions, les qualités qui leur conviennent le mieux.
La suppression de la vente à la cheville, sollicitée par un petit
nombre d’intéressés, si elle était obtenue, deviendrait le sujet d’un fâcheux
monopole qui donnerait à ses accapareurs les moyens de s’entendre entre
eux et de tenir les marchandises aux prix qu’ils voudraient, sans qu’il n’y
ait jamais tendance à la baisse.
La vente à la cheville fut supprimée sous l’administration de M. le
Maire Honnorat, mais ce magistrat convaincu peu de temps après des
abus qu’avait fait naître cette mesure, s’empressa de la rétablir”.
Citons l’Affaire Durbec & Borel,
jugée devant le tribunal, pour pesage illicite.
Le tribunal de simple police de Marseille a par jugement en date du
23 janvier 1882, condamné les sieurs Durbec et Borel, bouchers che-
villards, demeurant en cette ville, chacun à 1 F. d’amende et aux dépens,
attendu qu’aux termes d’un procès verbal dressé par Monsieur
Germanaud, commissaire de police de la ville de Marseille, en date du
25 du mois d’octobre dernier, il a été établi qu’ils ont pesé eux-mêmes ou
fait peser par leurs employés, dans l’abattoir, de la viande de boucherie
vendue à divers. Les prévenus dans leurs moyens de défense ont allégué
qu’ils ont le droit de se livrer à cette opération dans l’abattoir à l’occasion
de la vente de la marchandise leur appartenant, attendu que d’après le
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