Page 90 - Les Peseurs Jurés de Marseille
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Les jeunes peseurs perdent de longues heures dans l’attente du tra-
vail qui trop souvent ne les occupent pas, ce temps est perdu au service du
corps entier pour que nous ne soyons pas pris au dépourvu par une
affluence de travail, et aussi pour que leurs aînés ne soient pas obligés
d’aller effectuer des opérations de peu d’importance, il est juste qu’ils
soient indemnisés de ce temps perdu au service du bureau (62) ”.
En 1901, cette situation a changé à l’avantage des plus anciens ; ils
semblent avoir toujours le choix dans la masse des opérations effectuées sans
qu’un roulement de travail ne vienne apporter un frein à leur activité (63) .
Pour remédier à cet état, la commission a élaboré un projet de
“caisse de répartition proportionnelle”. Il s’agissait de centraliser à la fin
de chaque mois, les demi-bénéfices de chaque collègue pour les répartir
entre tous, selon des proportions établies (64) ; de cette façon chaque peseur
n’abandonnait à la caisse que la moitié du travail qu’il avait fait en plus de
la part qui lui était fixée.
On estimait également qu’en cas d’affluence de travail, on pourrait
effectuer un grand nombre d’opérations sans avoir à subir les pertes de
temps d’aller et de retour entre le bureau et les quais.
“Un seul peseur sur les lieux du travail fera plus de besogne que
trois peseurs faisant la navette du bureau au chantier...
Cette réglementation sera morale ; elle atténuera les différences
d’intérêts qui divisent les membres de notre corporation. La maladie ou le
décès d’un collègue ne sera plus une cause immédiate de profit pour ces
derniers ; on pourra aussi songer à l’organisation de secours pour les col-
lègues malades, ainsi qu’il est pratiqué chez les peseurs spéciaux de bois
et de charbons (65) ”.
Le travail en commun se pratiquait déjà dans les bureaux de la Criée,
de l’Abattoir et du Marché ; quant aux corporations similaires - les peseurs
jurés de bois et charbons et les peseurs jurés de grains - elles étaient sou-
mises pour l’une à la répartition proportionnelle des bénéfices et l’autre à
la répartition du travail par le roulement de ce travail.
La deuxième réclamation des derniers peseurs est également très
intéressante ; elle portait sur “le droit de charger”.
En effet, le règlement stipulait que le plus ancien peseur présent au
bureau avait toujours le droit de choisir le travail, et ainsi de numéro à
numéro jusqu’au dernier qui ne pouvait s’y refuser.
Cependant, l’article 13 accordait aux 70 premiers, le privilège d’at-
tendre dans les limites raisonnables, l’arrivée d’un peseur inscrit après eux
pour le charger d’une opération qui ne leur convenait pas.
“Qui ne comprend qu’avec ce mécanisme, ce ne sont pas les premiers
numéros qui vont faire le pesage des grains ; ce genre de travail se fait en
plein air, sur les quais, au débarquement des navires, en pleine poussière,
sous les ardeurs du soleil, quelque fois dans la tourmente du mistral.
On gagne il est vrai sa journée, mais si on tient compte de la fatigue,
on la gagne deux fois. Le pesage des grains c’est le lot de plus de la secon-
de moitié de la liste des peseurs publics et c’est le travail qui permet d’at-
tendre l’ancienneté et les opérations lucratives ; c’est le salaire des vingt
premières années des fonctions de peseurs (66) ”.
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