Page 94 - Les Peseurs Jurés de Marseille
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Dès lors ces huiles, bien moins coûteuses, remplaçant les huiles
                                  d’olives pures jaugées, furent pesées en fabrique. C’est à ce moment là,
                                  semble-t-il que les jaugeurs voyant s’échapper l’aliment de leur existence,
                                  se transformèrent en expert jurés afin de déterminer le pourcentage de
                                  corps étrangers contenus dans les huiles inférieures.
                                        Cependant progressivement, des chimistes les remplacèrent ; les
                                  peseurs jurés, quant à eux, continuaient de peser les huiles destinées à la
                                  consommation.
                                        Une grande partie des huiles d’olives ne faisaient que transiter à
                                  Marseille pour rejoindre les villes de Salon et de Nice, dont les industries,
                                  toujours grandissantes, s’approvisionnaient de plus en plus en Italie, en
                                  Espagne et surtout en Tunisie depuis la conquête de ce pays par la France.
                                        Les peseurs jurés pesaient également les huiles de graines expédiées
                                  à l’étranger, à la demande de l’acheteur  (69) .
                                        L’affaire resta en suspens puis fut reprise par les jaugeurs, au chan-
                                  gement de municipalité ; la nouvelle administration tenta à nouveau de
                                  trouver un terrain de conciliation.
                                        Les jaugeurs demandèrent à être intercalés dans la corporation des
                                  peseurs jurés, par rang ou par date d’examen ou d’admission ; ce à quoi les
                                  peseurs jurés répondirent que si les jaugeurs et les peseurs étaient sous la
                                  même tutelle, ils n’avaient rien de commun.

                                        “Il n’est pas permis de penser qu’après avoir eu le choix entre les
                                  carrières de jaugeur et de peseur, qu’après avoir choisi en toute liberté,
                                  celle de jaugeur, on vienne, après 20, 30, 40 ans d’exercice dans cette
                                  dernière fonction, après avoir bénéficié des avantages et des profits, les-
                                  quels joints à ceux d’experts furent parfois considérables, on vienne,
                                  disons-nous, déclarer qu’on s’est trompé de route et qu’on ait la préten-
                                  tion de s’intercaler devant ceux qui, plus modestes, avaient choisi la car-
                                  rière de peseur juré depuis 20, 30, 40 ans aussi ; devant ceux qui, s’étant
                                  soumis à tous les règlements sévères de ce corps, ont supporté de longues
                                  années d’attente pour jouir des avantages que donne, dans ce corps,
                                  l’avancement de rang  (70) ”.
                                        La fonction de jaugeur donnait droit à celle d’expert ; si le jaugeur
                                  dépendait de la Ville et versait un droit communal, l’expert, lui, était libre
                                  et ne reversait rien dans les caisses de la Ville, tout en bénéficiant des
                                  avantages que lui donnait le titre de “jaugeur expert juré de la ville de
                                  Marseille”.
                                        “Le 22 février 1901, les contrôleurs des peseurs spéciaux et mesu-
                                  reurs jurés de grains écrivent au Président et aux membres du syndicat
                                  des peseurs jurés de commerce afin de rappeler aux peseurs qui croient
                                  devoir faire toute opération qui se présente sur une penthière  (71) , où ils
                                  sont déjà en train d’effectuer une opération de céréales, qu’ils n’en ont
                                  pas le droit mais qu’ils doivent se contenter de faire seulement l’opéra-
                                  tion pour laquelle ils sont partis du bureau «à moins toutefois comme
                                  cela a été convenu entre nous qu’ils soient sur cette penthière  (72) , comme
                                  délégués pour les moyennes et que l’opération qui leur est offerte soit
                                  également une moyenne».
                                        A cet effet, ils rappellent au souvenir que le secrétaire des peseurs,
                                  M. Lombart fut condamné par le syndicat des peseurs quelques années aupa-

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